Publié le 18-11-15

Luis a fait partie de ces personnages hors normes, croisés sur la route, qui a marqué notre mémoire. Quelqu'un qu'on a adoré, détesté, voir les deux à la fois. Un prof de surf de 60 ans, appelé le chaman, vivant entre la côte péruvienne et la forêt amazonienne, on n'en croise pas tous les jours.

 

La pension de Luis à Huanchaco


Fraîchement arrivés à Huanchaco, petite station balnéaire au bord du pacifique réputée pour ses embarcations en totora et ses belles vagues, nous nous sommes mis en quête d'un logement. Une française, Sylvie, nous voyant ainsi errer nous indiqua une petite pension anonyme cachée au fond de la ville.Arrivés devant la porte d'entrée nous patientons pendant que Sylvie, une habituée de la pension passant plusieurs mois par an dans la région, discuter avec Luis de notre possibilité d’entrer.Deux minutes plus tard, elle nous fit entrer et nous présenta à Luis, 60 ans. Ses cheveux longs, son corps musclé et bronzé et son immense sourire communicatif lui en donnait à peine 50.Les présentations faites, Luis m'a regardé en me disant « tu souris beaucoup, c'est un vrai sourire ou c'est pour être poli ? ».  Je ne me souviens plus de ma réponse, mais elle a du lui plaire puisque quelques minutes après il nous a proposé de venir nous installer chez lui.

Une seule condition à respecter : que nous prenions des cours de surf avec lui.


Coup de chance, nous comptions nous y  essayer pendant notre séjour.Ses tarifs étaient ridiculement bas et nous avons du insister pour qu'il ne les baisse pas davantage…Sylvie nous avouera plus tard que Luis choisit les personnes qu'il laisse entrer dans sa pension. Il a l'habitude d'aller les chercher dans la rue en fonction de son feeling. D'où l'absence de panneau devant sa porte.



Un prof de surf à la pédagogie particulière


Une demi-heure après notre arrivée, nous étions en combinaison, les planches de surf sous le bras. Pour parcourir le kilomètre qui nous séparait de la plage, les chaussures étaient interdites ! Marcher à pied sur l'asphalte caillouteux et brûlant faisait partie de l'apprentissage. Les premiers aller-retours furent assez désagréables.

Pas besoin de théorie ! Sa pédagogie du surf était très éloignée de celle des écoles de surf du coin.


Pas question d'aller s'amuser dans les vaguelettes, protégées par la jetée. Pas besoin de théorie sur le bord de la plage avant de se jeter à l'eau. 2 minutes pour montrer aux élèves comment se lever, comment lire les vagues et c'était parti !Autant vous dire que cette première session a été quelque peu mouvementée.A notre retour, après avoir jaugé ses invités, Luis s'ouvrit d'avantage, expliquant sa passion pour le surf, pour les plantes médicinales et pour la forêt. Le personnage s'est révélé extrêmement prévenant, joyeux, bienveillant et charismatique. Tous les ingrédients d'une belle rencontre, d'un échange ouvert et passionnant.


Chaman : entre philtres et décoctions douteuses


Végétarien, Luis en connaît un rayon sur les plantes et leurs propriétés curatives. Au cours de la dizaine de jours passés chez lui, nous avons eu le droit à de multiples décoctions parées de toutes les vertus : pour la peau, contre le mal de ventre, pour protéger du soleil, pour la virilité…

Notre limite : boire sa propre urine


Nous nous sommes volontiers prêtés à ce régime, jusqu’à un certain point.Notre limite : boire sa propre urine tous les matins. La liste des vertus de cette pratique était selon lui sans fin.


Inutile de lui demander d'où lui venait son surnom de Chaman.


En plus de ses passions, voire obsessions pour le surf et pour une nourriture et un mode de vie « sain », Luis nous avais fait part de son amour de la forêt amazonienne. Heureux propriétaire d'un petit terrain non loin de Tarapoto, il nous a confié son rêve : améliorer le quotidien des habitants de son village, en amenant des voyageurs à découvrir ce coin reculé, rude, mais en harmonie avec la nature. Il avait réussi à y emmener les trois jeunes allemands résidant chez lui depuis trois mois et passant leurs journées enfermés dans leur chambre.Mais ces derniers n'auront tenu que trois jours sur place : « trop de nature ».


Une personnalité paradoxale


Si notre description du personnage s'arrêtait ici, cela pourrait donner une impression d'une forte cohérence de caractère. Mais ce serait cacher une part plus paradoxale de sa personnalité, le rendant si original, voir marginal, et si attachant.Par exemple, il avait un rituel quotidien peu en phase avec l'image qu'on pouvait se faire de Luis. Chaque après midi, impossible de le décoller de son émission de télévision préférée : un talk show sous forme de procès bidon. Une juge caricaturale engueule des prévenus larmoyants ayant trompé untel ou arnaqué tel autre.Aussi, si son régime de vie stricte pourrait faire pâlir de jalousie un nutritionniste, Luis ne refusait jamais un cadeau. Peu importe qu'il s'agisse de cuisses de poulet, d'une glace au chocolat ou de quelques substances à caractère enivrant, il fallait bien qu'il se sacrifie…Au final, Luis est un personnage libre, un brin moralisateur, mais tellement bienveillant qu'il nous a donné envie de passer outre ses contradictions.


Après tout, qui n'en a pas ?


 


Un article de Laura-et-Seb