Publié le 04-10-15

J'ai assisté à une éclipse solaire sur l'Île du Spitzberg



Ayant vécu la  formidable éclipse d'août 1999 en France, j’avais envie de découvrir une nouvelle éclipse dans le décor exceptionnel des contrées polaires. Et c’est ainsi que j’ai réussi à motiver l’un de mes amis à m’accompagner pour un trek polaire au pays de l’Ours Blanc.


Nous sommes bientôt le 20 Mars 2015, date à laquelle l'éclipse couvrira  une gigantesque zone partant du sud du Groenland jusqu’au pôle Nord en passant par l’archipel du Svalbard (appartenant à la Norvège). En plein milieu, L’île du Spitzberg (Novégienne elle aussi) est la dernière étape de la civilisation à "seulement" 1000 km du Pôle Nord

Longyearbyen : notre étape de préparation


En plein mois de mars la température « normale » est d’environ -20°C. Pourtant, l’affluence est très élevée : tous les vols et les hôtels de Longyearbyen (la capitale) affichent complet. Et pour cause, l’île vit au rythme de l'événement stellaire très attendu.
Mais l’inquiétude de tous est palpable.

Le taux de couverture nuageuse de plus de 70% peut rendre l’éclipse exceptionnelle ou complètement invisible.



Pour se donner le maximum de chance, mon trek prévoit une excursion en ski de randonnée vers un col à 600m d’altitude. Là, le ciel  serait certainement plus dégagé qu’en bord de mer.


 

Le séjour commence difficilement car le temps est décidément très capricieux. Notre avion Oslo-Longyearbyen est décalé d’une journée suite à une tempête sévissant sur l’archipel. A cela se rajoute que notre matériel de trek (skis, chaussures, tentes) sont également bloqués dans un port de Norvège.


Il nous faudra attendre une journée de plus dans une auberge à Longyearbyen avant de pouvoir démarrer notre expédition.

Départ vers la Vallée de l’Adventdalen


Le trek commence dans la Vallée de l’Adventdalen. Une longue marche débute pour le groupe, traînant chacun notre pulka derrière nous avec sac à dos, tente, duvet et nourriture pour les 5 prochains jours.



Le premier bivouac s’établit par la montée des tentes par binômes puis de la tente collective où seront pris les repas en commun. Les repas sont composés de nourritures lyophilisées et de potages. L’eau destinée aux préparations est réalisée par la fonte des blocs de neige dégagés pour créer la tente collective.

Nous organisons des quarts pour surveiller l'intrusion d’ours polaires.


Malheur à ceux qui sont de garde entre 1h et 3h du matin, car il faut se réveiller au beau milieu de la nuit avant d’essayer de la reprendre 2h plus tard. Et vu ma chance, ce fut mon quart…
Mais si la nuit fut courte, l’atmosphère était étrange car la neige avait cette phosphorescence bleutée qui se détachait sur le ciel nocturne.


Les nuits sont glaciales : il fait -20°C dans la tente. Après un petit déjeuner réparateur, il ne reste plus qu’à replier les tentes et reprendre le chemin du glacier de Gløttfjellbreen.

Eclipse solaire sur le Glacier de Gløttfjellbreen


L’arrivée au col dominant le glacier, à l’altitude de 600m, se fait à la fin du 3ème jour. Il nous faut nous installer face au Sud pour assister à l’éclipse du lendemain matin... si le temps est avec nous.
Durant la nuit, une tempête se déclenche dans le massif.

Pris d’une envie pressante durant la nuit, je pense que ce fut les toilettes les plus cauchemardesques de ma vie tant le froid était intense avec un vent impressionnant soulevant des millions de flocons. Au matin du 20 mars, je ne sais comment exprimer ma joie en ouvrant la tente et en découvrant un ciel pur, sans nuages. L’éclipse allait avoir lieu dans le plus bel écrin qu’il soit.


Aux environs de 10h, nous nous installons dans un « canapé »  très frais creusé à même la neige pour admirer l’approche lente de l’ombre lunaire sur le disque solaire.

A l’heure prédite par les astronomes, l’ombre de la Lune arrive par le Sud Ouest précédée par des ombres volantes, virevoltant sur la neige à nos pieds. Ce phénomène encore peu connu lors des éclipses se réalise quelques secondes avant et après la totalité.


Un cercle noir entouré d’un halo blanc se dévoile dans un ciel mêlant l’aube et l’aurore.

Et enfin le jour se fait nuit.

Vénus apparaît un peu plus à gauche de l’astre éclipsé. Le temps s’arrête, la température atteint les -44°C. Mes doigts s’en souviendront plusieurs semaines après l’événement tant les gelures furent nombreuses mais l’excitation était telle que rien ne pouvait me distraire.


La sensation d’être pleinement au cœur du système solaire
ne se perçoit que lorsque les deux astres se déplacent l’un devant l’autre à une vitesse incroyable. A peine avons-nous vu l’ombre fondre sur nous que voilà la lumière s’approchant à plus de 3300 km/h.

L’éclipse s’achève après 2 min 19 de totalité. C’est tellement court que la volonté de revoir le prochain rendez-vous stellaire est inversement proportionnel !


Mais il est l’heure de rebrousser chemin vers la ville de Longyearbyen en descendant le glacier et en parcourant les 30 km. Nous avons deux options : bivouaquer une dernière fois dans la vallée de l’Adventdalen, ou atteindre directement Longyearbyen après une marche qui allait être longue et éprouvante. Nous avons tous opté pour la 2ème solution !

Un séjour polaire est une épreuve pour qui n’est pas habitué aux conditions climatiques glaciales.

J’étais novice et pourtant, on oublie la difficulté en découvrant un événement aussi rare que spectaculaire qu’est une éclipse solaire totale au cœur des sommets enneigés.

 

Une expérience extrême pour ses conditions éprouvantes mais un souvenir inoubliable !


Un article de Olivier-Chastang